Le notariat au-dessus de l'état


C'est un véritable séisme qui ébranle aujourd'hui le notariat français. On s'en souvient, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt le 24 mai 2011 aux termes duquel le statut du notaire en France est contraire au régime de la libre-concurrence fixé par le droit européen. Depuis cette date, il ne s'est à la vérité rien passé, le notariat français ayant pu bénéficier du soutien inconditionnel des pouvoirs publics pour retarder l'inéluctable réforme de son statut.

Mais depuis le 30 mai, la Commission européenne a repris l'initiative, et cette fois, la Chancellerie pourrait bien se placer au service de l'intérêt général et non plus rendre service à 9 000 nantis.

Le Manifeste contre les notaires (Max Milo), publié le 24 mars 2011 concluait à la nécessité de réformer profondément le statut des notaires pour des enjeux de compétitivité économique et sociale de la France, et incidemment en raison directe de son incompatibilité avec les normes fondamentales européennes. Le 24 mai 2011, soit à peine deux mois plus tard, la CJUE consacrait pleinement le volet juridique de la position du Manifeste.

Pour conclure que la condition de nationalité imposée par la France pour devenir notaire est irrégulière, la CJUE avait affirmé que la fonction exercée par le notaire relève du champ de la libre concurrence défini à l'article 43 du traité CE (et non, comme le soutenait la France, du régime dérogatoire de l'article 45).

La Cour prenait soin de relever qu'au-delà de la seule question de nationalité c'est bien l'ensemble de l'actuel statut des notaires en France qui est incompatible avec les dispositions de l'article 43 TCE.

En conséquence de l'arrêt rendu le 24 mai 2011 il appartenait à la France de mettre, sans délai, en conformité le statut des notaires avec les principes du droit de la concurrence.

1. LA POSTURE DE DÉFI À L'EUROPE ADOPTÉE PAR LE GOUVERNEMENT DE FRANÇOIS FILLON

Depuis l'intervention de l'arrêt de la CJUE, le notariat a pu continuer à compter sur Michèle Alliot-Marie puis Michel Mercier pour soutenir indéfectiblement une position pourtant d'autant plus indéfendable qu'elle venait précisément d'être sanctionnée.

C'est ainsi que, faisant une nouvelle fois servilement écho à la position du Conseil supérieur du notariat, le communiqué de la Chancellerie rédigé au lendemain de l'arrêt de la CJUE, affirmait avec davantage de force dans le ton que de pertinence dans l'analyse que "la suppression de la condition de la nationalité ne modifiera en rien le statut du notariat".

Nous soutenions, il y a un an, que le tarif des notaires avait vécu et que par conséquent son application par un notaire était fautive et était susceptible d'engager la responsabilité du professionnel du droit. Pourtant, le tarif a continué d'être appliqué depuis un an, avec l'appui de l'appareil d'Etat, au seul bénéfice de 9 000 privilégiés et au détriment de l'ensemble des Français.

2. LA NOUVELLE CHARGE DE L'EUROPE CONTRE LA FRANCE

La posture adoptée par le gouvernement Fillon a sciemment placé, pour la défense d'intérêts strictement catégoriels, la France en délicatesse avec ses engagements internationaux, dans un contexte où il est acquis depuis longtemps que l'Europe aura le dernier mot.

Après une année à attendre vainement de la France qu'elle reconnaisse "spontanément" la nécessité juridique de la profonde réforme du statut des notaires, le 30 mai, la Commission européenne a adressé une recommandation au Conseil.

Le point 15 de cette recommandation considère expressément que "les réformes qui ont été adoptées pour simplifier l'environnement des entreprises et éliminer les restrictions dans certains secteurs et professions réglementés n'ont pas permis de supprimer les barrières à l'entrée et les comportements restrictifs existant dans de nombreux autres secteurs par exemple, (...) professions juridiques, y compris les notaires)".

Cette fois, il n'est plus possible de soutenir que l'objet de l'arrêt de la CJUE du 24 mai 2011 était limité à la seule question de la clause de nationalité.

3. LA VOLONTÉ NOUVELLE DE LA FRANCE DE RESPECTER SES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

Il semble toutefois que désormais, les choses puissent se débloquer rapidement. En effet, Christiane Taubira, la nouvelle garde des Sceaux paraît davantage sensible au respect par la France de ses engagements internationaux qu'à la protection étroitement catégorielle de quelques milliers de nantis.

Sous l'impulsion de la nouvelle ministre de la justice, la Chancellerie étudierait dès à présent et par priorité la suppression du tarif des notaires.

La fin de ce tarif constitue évidemment une réforme majeure du statut des notaires, pour ses conséquences immédiates, puisque le montant des coûts des transactions sera significativement minoré mais également car la suppression du tarif, par un effet de domino, entraînera une heureuse remise en cause des autres aspects les plus choquants de ce statut hérité d'un temps révolu.

Conséquence inévitable de cette première réforme est à bref délai la liberté d'installation de tout diplômé notaire, ainsi que le suggéraient en termes voisins les rapports Attali de 2008 et Darrois de 2009. En effet, puisque le tarif est, selon le notariat français la conséquence nécessaire du monopole, la suppression de l'un doit entraîner, en bonne logique, la disparition de l'autre.

Or, ainsi que la science économique l'avait prévu et l'expérience confirmé, la suppression d'un monopole réduit les coûts, augmente l'activité et développe l'emploi dans la branche considérée.

La suppression prochaine du tarif des notaires est donc une mesure particulièrement bienvenue dans une période où la France recherche pour soutenir son économie des niches de croissance.

Vincent Le Coq, maître de conférences en droit public et porte-parole du collectif Non/taire

A la suite de la publication de cette tribune au sujet d'une prétendue suppression du tarif des notaires, le Conseil supérieur du notariat tient à préciser que le ministrère de la justice lui a fait savoir, par l'intermédiaire de son porte-parole, Pierre Rancé, que celui-ci "opposait un démenti formel à cette affirmation qui ne repose sur aucun fondement".

Lien: Bientôt la fin des tarifs des notaires

Un livre: Manifeste contre les notaire




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